C'est avec une grande inquiétude que j'ai pris connaissance du dernier rapport du Groupe d'experts des Nations Unies sur la République Démocratique du Congo. Malgré l'accord de trêve humanitaire et de cessez-le-feu, le régime de Kigali continue de bafouer le droit international et de poursuivre sa politique d'expansion territoriale avec ses auxiliaires de la coalition AFC/M23 soutenus et contrôlés par 3.000 à 4.000 éléments des FDR. En violation flagrante de l'intégrité territoriale et de la souveraineté congolaise, ces troupes utilisent des équipements militaires sophistiqués et des armes de haute technologie dans les territoires de Nyiragongo, Rutshuru et Masisi, dans la province du Nord-Kivu.
La guerre d'occupation et d'agression prend progressivement l'allure d'une annexion par des forces étrangères, avec la mise en place d'une administration parallèle, semblable à celle d'un Etat. Elle contrôle les territoires conquis, en particulier la région de Rubaya, dont les mines constituent l'une des plus grandes sources de coltan au monde.
Les experts mandatés par le Conseil de sécurité ont rapporté, preuves à l'appui, que la coalition AFC/M23 exerce un monopole sur l'extraction frauduleuse, le commerce et l'exportation illégale de minerais de Rubaya vers le Rwanda. Il s'agit de la contamination la plus importante des chaînes d'approvisionnement en minerais "3T" (étain, tantale et tungstène) enregistrée dans la région des Grands Lacs au cours des dix dernières années.
Les experts estiment que la coalition AFC/M23 contrôle le commerce et le transport d'environ 120 tonnes de coltan par mois et que la taxe sur la production et le commerce du coltan de Rubaya génère au moins 800 000 USD par mois pour les forces d'occupation.
Face à la situation critique qui prévaut dans l'Est de la RDC, nous exhortons une fois de plus la communauté des Etats à ne plus accepter les condamnations superficielles et les paroles creuses. Des sanctions fortes doivent être adoptées contre les acteurs de la déstabilisation. Des mesures immédiates et décisives doivent être prises pour que le Rwanda cesse son soutien au M23 et retire immédiatement ses forces du sol congolais.
Il est temps de mettre fin à cette guerre économique et à l'extraction et au commerce illégaux de minerais stratégiques au cœur de l'Afrique si le monde économiquement développé veut poursuivre la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique de manière propre et équitable.
Bukavu, 01/09/2025
Dr. Denis Mukwege