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31 décembre 2019

Bukavu, RDC - Message du Dr. Denis Mukwege pour la fin de l'année

Dans la nuit du 30 décembre 1998, la veille du réveillon du Nouvel An, les habitants de Makobola, à 150 km au sud de Bukavu, espéraient une fête de fin d'année paisible. Femmes et hommes se préparaient joyeusement aux festivités, bercés par la douce chaleur de la plaine de la Ruzizi.

Des éclats de rire empreints d'innocence filtraient des huttes. La vie bat son plein quand soudain une horde de criminels encercle le village. Pour cette communauté, c'était la fin, l'innommable était arrivé. Les femmes ont été violées avant d'être déchiquetées par des mitrailleuses Kalachnikov. Les hommes ont été découpés à la machette. Les corps des enfants ont été carbonisés dans un feu exterminateur motivé par la cupidité et la haine. Le lendemain, le décompte macabre fait état de 702 corps décimés, enterrés à la hâte.

Aujourd'hui encore, la seule tombe de ces enfants, femmes et hommes est le silence assourdissant de la communauté nationale et internationale. C'est ce même silence qui a embaumé six millions de morts des guerres du Congo. Pourtant, il existe un rapport de cartographie dans lequel les experts des Nations Unies décrivent méthodiquement et professionnellement les lieux des massacres, les auteurs, la méthodologie des meurtres, le nombre de victimes, etc. Ce rapport devrait être exhumé des tiroirs des Nations Unies, où il croupit depuis des années. Ce n'est qu'alors que les meneurs et les bourreaux de Makobola et de Kasika seront renversés de leur piédestal et du pouvoir qu'ils continuent d'exercer dans la région, enveloppés d'arrogance et d'impunité. Vingt ans plus tard, ces corps profanés et ces vies brisées ne réclament pas la vengeance, mais la justice. Jusqu'à ce que cette justice arrive, Makobola et les nombreuses autres régions de crimes de masse, de crimes contre l'humanité, et même de crimes de génocide commis en République démocratique du Congo resteront une blessure béante sur la conscience de notre humanité commune. Leur souvenir nous hantera à jamais. Leur mémoire continuera à être écrite à l'encre indélébile du sang et de la honte. Leur mémoire sera un héritage d'irresponsabilité de notre génération aux générations futures.

Le 31 décembre est traditionnellement un jour férié pour nous. Mais il devrait aussi et surtout être un jour de refus - refus d'oublier les 55 femmes violées la nuit de la Saint-Sylvestre 2011 dans le quartier de Misufi à Fizi sous l'ordre du colonel Kibibi soutenu par des troupes étrangères. Malgré une condamnation immédiate, cette affaire entre dans sa neuvième année de procès infructueux. N'oublions pas non plus les centaines de milliers de femmes violées, les familles massacrées, et bien d'autres qui ne feront pas la fête avec nous, ceux qui ont péri en RD Congo et ailleurs dans le monde ; qu'ils soient Rohingya ou de Beni, d'Irak ou de Mwenga, de Libye ou de Minembwe ; ceux qui ont été arrachés à notre affection par la barbarie et la cupidité des hommes.

Nous pensons à eux - compatir à la souffrance des survivants sera un acte de responsabilité et de dignité collective.

Meilleurs vœux.

Dr Denis Mukwege

10 décembre 2019

Bukavu, République démocratique du Congo - Un an après la cérémonie d'Oslo, le premier lauréat congolais du prix Nobel de l'histoire présente son bilan d'une année de plaidoyer.

Depuis le 10 décembre 2018, date à laquelle le Nobel de la paix a été décerné à Oslo à Nadia Murad et à moi-même, j'ai voyagé dans le monde entier dans le cadre d'une campagne mondiale pour les droits humains des femmes, la justice et la paix.

Nous avons assisté à une prise de conscience mondiale croissante de l'existence et de la gravité de l'utilisation de la violence sexuelle comme arme de guerre et comme stratégie de domination et de terreur, voire d'extermination.

Cette reconnaissance est cruciale car pour s'attaquer à un problème, il faut avant tout le reconnaître. C'était le cas dans le passé, c'est donc un changement important.

Au niveau mondial, nous notons avec satisfaction plusieurs évolutions.

Tout d'abord, le Fonds mondial pour les survivants a été officiellement lancé le 30 octobre à New York.

Depuis 10 ans, nous plaidons aux niveaux national et international en faveur de réparations pour les victimes de violences sexuelles, sans recevoir suffisamment d'attention.

Depuis l'attribution du prix Nobel, nous avons reçu un soutien beaucoup plus important de la part de plusieurs États, dont la France et l'Allemagne, ainsi que de l'Union européenne, qui se sont déjà engagés à nous aider à restaurer la dignité des survivants.

Ce mécanisme novateur, centré sur les survivants et fondé sur les besoins, comblera les lacunes actuelles de la justice nationale et internationale. Il consistera en un fonds qui fournira des réparations par le biais de programmes et de projets de réhabilitation et de réinsertion individuels et collectifs. Dans les pays qui nient leur responsabilité ou qui ont besoin d'aide, nous les soutiendrons par une assistance technique et/ou financière.

Deuxièmement, le sommet du G7 à Biarritz en août dernier s'est concentré sur l'égalité des sexes et la violence sexuelle dans les conflits, et j'ai eu l'honneur de coprésider le Conseil consultatif pour l'égalité des sexes.

En travaillant avec un groupe diversifié d'individus, tous engagés dans les droits humains des femmes, nous avons identifié 79 mesures législatives progressistes adoptées par des législateurs de tous les continents, et nous avons proposé un paquet législatif orienté sur quatre axes visant à :

  • Mettre fin à la violence sexiste ;
  • Garantir les droits à l'éducation et à la santé pour tous ;
  • Promouvoir l'autonomisation économique ; et enfin
  • Assurer la pleine égalité entre les femmes et les hommes dans les politiques publiques.

Les chefs d'État et de gouvernement se sont engagés à Biarritz à mettre en œuvre nos recommandations, notamment en intégrant dans leur système national au moins une loi progressiste sur les droits des femmes d'ici le prochain G7 et en éliminant celles qui sont discriminatoires à leur égard.

Il s'agit également d'une avancée importante au niveau du sommet qui, autrefois, traitait exclusivement des questions économiques et financières, et qui reconnaît aujourd'hui que nous ne pouvons pas construire un monde prospère ou sûr sans respecter les droits des femmes et bénéficier de leur pleine inclusion et de leur valeur ajoutée.

Nous pouvons donc reconnaître aujourd'hui que notre combat pour la dignité des femmes est à l'ordre du jour de la communauté internationale, et que la question des violences sexuelles en temps de conflit gagne enfin en visibilité auprès des politiques et des décideurs.

Troisièmement, l'adoption de la résolution 2467 du Conseil de sécurité des Nations unies a souligné la nécessité de reconnaître et de prendre en charge les enfants nés de viols, d'adopter une approche centrée sur les victimes et de renforcer les mécanismes de sanctions à l'encontre des auteurs et des instigateurs de violences.

Quatrièmement, la création d'un réseau mondial de survivants s'est consolidée dans un contexte où de plus en plus de femmes brisent le silence et dénoncent les viols, les violences sexuelles et les abus.

Ceci est d'une grande importance, car la honte devrait peser davantage sur les épaules des abuseurs. Il est crucial de briser le silence, arme absolue des bourreaux, qui a trop longtemps prévalu dans le domaine de la violence sexuelle, en temps de guerre mais aussi en temps de paix.

Nous espérons que cela contribuera à mettre fin au climat d'impunité qui prévaut depuis trop longtemps dans le domaine des crimes sexuels.

C'est fondamental car la justice est un outil important tant pour prévenir la violence sexuelle que pour achever le long processus de guérison des victimes.

Enfin, le 1er Congrès des Universités Internationales avec les Chaires Mukwege s'est tenu à l'Université de Liège cet automne et a réuni des chercheurs et professeurs du monde entier pour partager leur expérience et leur expertise sur les réponses à apporter pour améliorer la situation des survivants de violences sexuelles en période de conflit et contribuer à ce que l'assistance holistique dont ont besoin les victimes soit reconnue comme un droit humain à la réhabilitation.

Ces avancées reflètent une nouvelle dynamique qui rompt avec l'indifférence et nous donne l'espoir et la force de poursuivre notre combat et de faire de notre monde un endroit meilleur.

Au niveau de la République démocratique du Congo (RDC), nous n'avons pas encore observé les dividendes du prix Nobel de la paix.

La situation sécuritaire se détériore dans l'est du pays, en Ituri, dans les Kivus, mais aussi au Maniema. Les massacres continuent chaque jour comme de simples faits divers.

Face à ce scandale permanent, nous lançons deux appels aux autorités congolaises et à la communauté internationale pour avancer sur le chemin de la paix au cœur de l'Afrique :

  1. La nécessité d'un commerce transparent et responsable des minéraux de l'Est du Congo. Nous demandons instamment l'adoption de mécanismes permettant une traçabilité complète des sites d'extraction dans les mines de l'Est du Congo jusqu'au produit fini acheté par les consommateurs dans les magasins du monde entier. Ce n'est que dans ces conditions que la mondialisation de l'économie pourra aller de pair avec l'universalité des droits de l'homme et que nous pourrons enfin transformer les minerais de sang en minerais pour le développement endogène du Congo.
  2. La mise en œuvre des recommandations du Rapport Mapping du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme sur les graves violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire commises en RDC sur les fosses communes et un déni de vérité et de justice. C'est pourquoi nous appelons les autorités congolaises et la communauté internationale à se mobiliser pour exploiter les recommandations du Rapport Mapping et à utiliser tous les mécanismes de justice transitionnelle préconisés depuis 2010 ; mise en place d'un Tribunal pénal international pour la RDC et/ou de chambres spécialisées mixtes, d'une commission vérité, de programmes de réparations, et de garanties de non-répétition, comme la consolidation de nos institutions et une réforme profonde du secteur de la sécurité et de la justice.

Nous continuerons donc notre plaidoyer pour répondre à ces deux questions - un commerce propre des minéraux et l'utilisation d'outils de justice transitionnelle - car elles sont les conditions préalables à la construction d'une paix durable en RD Congo et dans la région des Grands Lacs.

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Bukavu, République Démocratique du Congo - Un an après la cérémonie d'Oslo, le 1er Prix Nobel congolais de l'Histoire présente le bilan d'une année de plaidoyer

Depuis le 10 décembre 2018, date à laquelle le Prix Nobel de la Paix nous a été décerné à Oslo avec Me Nadia Murad, nous avons sillonné de monde dans le cadre d'une campagne mondiale pour les droits humains de la femme, la justice et la paix.

Nous avons assisté à une prise de conscience globale de l'existence et de la gravité de l'utilisation des violences sexuelles comme arme de guerre et comme stratégie de domination et de terreur, voire même d'extermination.

Cette reconnaissance est cruciale car pour s'attaquer à un problème, il doit d'abord et avant tout être reconnu. Ce n'était pas le cas dans le passé, et c'est donc un changement significatif.

Au niveau global, nous notons avec satisfaction plusieurs évolutions.

En premier lieu, le Fonds Mondial pour les Survivantes a été officiellement lancé le 30 octobre à New York.

Cela faisait 10 ans que nous plaidions aux niveaux national et international pour obtenir des réparations pour les victimes de violences sexuelles, sans recevoir suffisamment d'attention.

Depuis le prix Nobel, nous avons reçu beaucoup plus de soutien de la part de plusieurs États, dont la France et l'Allemagne, ainsi que de la part de l'Union européenne, qui se sont déjà engagés à nous accompagner dans la restauration de la dignité des survivantes.

Ce mécanisme novateur, centré sur les survivantes et leurs besoins, visera à combler les lacunes actuelles de la justice domestique et internationale, et consistera en un Fonds qui octroiera des réparations par le biais de programmes et de projets de réhabilitation et de réinsertion individuelle et collective dans les pays qui nient leur responsabilité ou qui ont besoin de soutien pour les assumer par le biais de l'assistance technique et/ou financière.

En deuxième lieu, le sommet du G7 à Biarritz en août dernier a mis l'accent sur l'égalité des sexes et la violence sexuelle dans les conflits, et j'ai eu l'honneur de co-présider le Conseil Consultatif pour l'égalité femmes-hommes.

Avec diverses personnalités engagées dans les droits humains des femmes, nous avons identifié 79 mesures législatives progressistes adoptées par des législateurs issus de tous les continents, et nous avons proposé un bouquet législatif orienté sur 4 axes, visant à :

- Mettre fin à la violence basée sur le genre ;

- Assurer le droit à l'éducation et à la santé pour tous ;

- Promouvoir l'autonomisation économique ; et enfin

- Assurer l'égalité complète entre les femmes et les hommes dans les politiques publiques.

Les Chefs d'Etat et de gouvernement se sont engagés à Biarritz à mettre en œuvre nos recommandations, notamment en intégrant dans leur système national au moins une loi progressiste relative aux droits des femmes d'ici le prochain G7 et en supprimant celles qui les discriminent.

Il s'agit aussi d'une importante avancée au niveau d'un sommet entre puissances qui s'occupait autrefois exclusivement de questions économiques et financières, et qui reconnaît aujourd'hui qu'on ne pourra pas construire un monde prospère ni sûr sans respecter les droits de la femme et bénéficier de leur pleine inclusion et de leur plus-value.

Nous pouvons donc reconnaître aujourd'hui que notre lutte pour la dignité des femmes est à l'ordre du jour de la communauté internationale, et que la question des violences sexuelles en temps de conflit gagne enfin en visibilité auprès des responsables politiques et des décideurs.

En troisième lieu, l'adoption de la résolution 2467 du Conseil de Sécurité des Nations Unies a mis l'accent sur le besoin de reconnaissance et de prise en charge des enfants nés du viol, d'adopter une approche centrée sur les victimes, et aussi de renforcer les mécanismes de sanctions contre les auteurs et instigateurs de la violence.

En quatrième lieu, la mise en place d'un Réseau Mondial de Survivantes s'est consolidée dans un contexte où de plus en plus de femmes rompent le silence et dénoncent le viol, la violence sexuelle et les abus.

Nous avons été particulièrement inspirés par nos visites à Bogota et à Pristina sur invitation d'association de victimes de la guerre, où le plaidoyer des femmes survivantes a largement contribué à l'adoption d'initiatives de justice transitionnelle, telles que le Tribunal Spécial pour la Paix en Colombie et la Commission pour la reconnaissance et la vérification du statut des victimes de violence sexuelle durant la guerre de libération du Kosovo.

Cela revêt une grande importance, car la honte devrait peser davantage sur les épaules des auteurs. Il est crucial de briser le silence, cette arme absolue utilisée par les bourreaux, qui a trop longtemps prévalu en matière de violence sexuelle, en temps de guerre mais aussi en temps de paix.

Nous espérons que cela permettra de contribuer à mettre fin au climat d'impunité qui prévaut depuis trop longtemps en matière de crimes sexuels.

Cela est fondamental car la justice est un outil important à la fois pour prévenir les violences sexuelles mais aussi pour parachever le long processus de guérison des victimes.

Enfin, le 1er Congrès de la Chaire Internationale Mukwege s'est tenu à l'Université de Liège cet automne et a rassemblé des chercheurs et professeurs venus du monde entier pour partager leur expérience et leur expertise sur les réponses à apporter pour améliorer la prise en charge des survivantes de violences sexuelles en période de conflit et contribuer à ce que l'assistance holistique dont les victimes ont besoin soit reconnue comme un droit humain à la réhabilitation.

Ces progrès reflètent une nouvelle dynamique qui consacre une rupture par rapport à l'indifférence et qui nous donne l'espoir et la force pour poursuivre notre lutte et pour rendre notre monde meilleur.

Au niveau de la République Démocratique du Congo (RDC), nous n'avons pas encore observé les dividendes du Prix Nobel de la Paix.

La situation sécuritaire se dégrade dans l'Est du pays, en Ituri, dans les Kivus mais aussi au Maniema. Les massacres se poursuivent chaque jour comme de simples faits divers.

Face à ce scandale permanent, nous lançons deux appels aux autorités congolaises et à la communauté internationale pour avancer sur le chemin de la paix au cœur de l'Afrique :

1. La nécessité d'un commerce transparent et responsable des minerais de l'Est du Congo. Nous appelons de nos vœux l'adoption de mécanismes permettant une traçabilité complète des lieux d'extraction dans les mines de l'Est du Congo jusqu'au produit fini acheté par les consommateurs dans les magasins du monde entier. C'est seulement dans ces conditions que la globalisation de l'économie pourra aller de pair avec l'universalité des droits humains et que nous pourrons enfin transformer les minerais de sang en minerais pour le développement endogène du Congo.

2. La mise en œuvre des recommandations du rapport Mapping du Haut Commissariat des Nations Unies pour les droits de l'Homme sur les graves violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire commises en RDC entre 93 et 2003. On ne pourra enrayer les cycles de violence et construire la paix en RDC sur des fosses communes et sur un déni de vérité et de justice. Telle est la raison pour laquelle nous appelons les autorités congolaises et la communauté internationale à se mobiliser pour exploiter les recommandations du rapport Mapping et d'utiliser tous les mécanismes de la justice transitionnelle préconisés depuis 2010 : établissement d'un Tribunal pénal international pour la RDC et/ou de chambres spécialisées mixtes, d'une Commission de la vérité, de programmes de réparation et de garanties de non-répétition, telles qu'un assainissement de nos institutions et une profonde réforme du secteur de la sécurité et de la justice.

Nous poursuivrons donc notre plaidoyer pour répondre à ces deux enjeux - un commerce propre des minerais et le recours aux outils de la justice transitionnelle - car ils constituent les prérequis indispensables pour construire une paix durable en RD Congo et dans la région des Grands Lacs.

30 octobre 2019

New York, New York, USA - Déclaration du Dr. Mukwege

"Au cours de la lutte pour le contrôle de Bukavu, les 29 et 30 octobre 1996, des unités de l'Alliance des forces démocratiques pour la libération (AFDL) / de l'Armée patriotique rwandaise (APR) ont tué plus de 450 civils. Le 29 octobre, ils ont tiré sur la ville à l'arme lourde, tuant indistinctement civils et militaires. Après le départ des FAZ, ils ont ouvert le feu sur les personnes qui tentaient de s'échapper. Ils ont tué de nombreux civils à bout portant, dont l'archevêque catholique Monseigneur Munzihirwa, tué dans son véhicule avec son chauffeur et son garde du corps. À partir du 30 octobre, les soldats ont commencé à fouiller systématiquement les maisons, tuant et torturant sans discernement des dizaines de personnes, tant des civils que des militaires."

-Point283 du rapport de cartographie des Nations Unies, publié en août 2010.

Cela fait exactement 23 ans que les habitants de Bukavu se sont enfuis, fuyant la tempête de massacres perpétrés lors de la prise de la ville par des troupes déchaînées, déterminées à détruire la vie.

Hommes, femmes et enfants ont été lâchement assassinés et enterrés dans des fosses communes. Par la suite, et comme si ces massacres ne suffisaient pas, une nouvelle stratégie de guerre a été utilisée : les viols d'une extrême violence, une arme puissamment dévastatrice.

Des milliers de femmes et de jeunes filles ont été victimes ; certaines d'entre elles ont atteint l'hôpital de Panzi. Nous les avons écoutées et avons ressenti leur profonde souffrance. Nous avons soigné leurs corps autant que nous le pouvions. Mais cela ne suffisait pas ; la destruction psychologique et sociale était aussi grave que les blessures béantes de leur intimité. Nous ne connaîtrons jamais le sort de ceux qui, par milliers, n'ont jamais pu accéder aux services hospitaliers, condamnés au destin de l'errance et de l'humiliation.

Depuis cette invasion, le viol comme arme de guerre s'est répandu comme une traînée de poudre dans nos villages et nos villes. Ce cataclysme nous a amenés à porter les voix étouffées des victimes au-delà des frontières de notre pays.

Depuis 20 ans, nous sensibilisons les communautés nationales et internationales pour qu'elles sortent de leur indifférence face à ces crimes qui déshonorent notre humanité commune, mais qui sont pourtant consacrés par une impunité éhontée. La souffrance des survivants doit être reconnue, la justice rendue et un mécanisme de réparation mis en place.

Aujourd'hui, le lancement de ce Fonds mondial pour les survivants est comme un soulagement et une étape importante dans le long combat pour la renaissance des victimes. La marche vers une justice totale sera certainement longue, mais ce fonds représente un tournant.

Nous souhaitons exprimer notre sincère gratitude à tous ceux qui nous ont accompagnés sur ce chemin pour restaurer la dignité des victimes.

Pour les survivants de la violence sexuelle, les réparations signifient la reconnaissance du mal qui leur a été fait ; elles leur envoient un nouveau message : "Votre voix a été entendue et la communauté vous accompagnera sur le chemin du retour à la vie dans la dignité".

Ce Fonds mondial pour les survivants est un développement bienvenu. Nous espérons et nous nous battrons pour qu'un mécanisme de justice internationale l'accompagne.

1er septembre 2019

Bukavu, République démocratique du Congo -Déclaration du Dr Mukwege

Nous célébrons aujourd'hui le vingtième anniversaire de l'ouverture de l'hôpital Panzi. Né dans un contexte de conflit, l'hôpital Panzi a accueilli et servi les victimes de la guerre dès ses premiers jours, notamment les survivants de violences sexuelles, les blessés et les personnes déplacées.

Je me souviens de deux maisons coloniales qui ont été restaurées pour devenir l'hôpital et des toutes premières consultations qui ont eu lieu en septembre 1999. Notre choix pour la construction de l'hôpital s'est porté sur le quartier de Panzi, au sud de Bukavu. Cette partie de la ville était de plus en plus peuplée et souffrait d'un manque de services publics.

La situation des femmes enceintes dans ce quartier était désastreuse. En cas de complications (par exemple, si une césarienne était nécessaire), elles devaient se rendre à l'hôpital général de Bukavu, qui se trouvait à une dizaine de kilomètres, à l'autre bout de la ville. En plus de la distance, ces femmes ont dû faire face à de nombreux autres obstacles liés à la sécurité. Il y avait des barrages routiers à chaque coin de rue ainsi que des soldats nationaux et étrangers qui empêchaient les gens de passer. Les femmes succombaient souvent à des hémorragies lorsqu'elles ne pouvaient pas atteindre un centre médical à temps.

Lorsque nous avons ouvert l'hôpital Panzi, nous avions prévu de répondre à ces problèmes en nous spécialisant dans les soins obstétriques, mais un nouveau phénomène frappait la région : une vague de viols accompagnée d'une violence extrême. J'ai été consterné par ce qui se passait sous mes yeux, et nos priorités ont immédiatement changé.

Vingt ans après la première opération pour viol violent en 1999, l'hôpital de Panzi a traité plus de 55 000 victimes de violences sexuelles. Malheureusement, ce chiffre est en constante augmentation : chaque jour, entre cinq et sept nouvelles survivantes arrivent en quête d'un traitement pour leurs viols. À l'hôpital Panzi, elles trouvent un refuge où elles peuvent chercher la guérison.

Nous nous sommes vite rendu compte que le traitement médical ne suffisait pas et que les survivants devaient avoir accès à des services supplémentaires pour reconstruire leur vie. Pour y remédier, nous avons mis au point un modèle de guérison holistique reposant sur quatre piliers, qui associe le traitement médical au soutien psychosocial, aux services de réintégration socio-économique et à l'accès au système judiciaire. Ensemble, ces piliers ont sauvé des vies et réparé des âmes tout en permettant aux survivants de gagner en indépendance et de réclamer justice.

Nous avons reproduit ce modèle en dehors de Bukavu, en ouvrant des "guichets uniques" dans les communautés rurales et en déployant des équipes d'urgence sur le terrain pour faire face aux viols collectifs dans les villages. Nos équipes mobiles opèrent également des fistules obstétricales vésico-vaginales dans d'autres provinces du pays.

Reconnaissant que la violence sexuelle dans les conflits n'est pas seulement un problème en RDC, nous voulons élargir notre vision de la guérison holistique en dehors du pays en veillant à ce que les victimes en République centrafricaine, au Burundi, en Irak et ailleurs puissent accéder à la guérison holistique et reconstruire leur vie. Des One Stop Centers offrant le modèle de soutien global de Panzi seront mis en place dans les prochains mois.

C'est avec une grande fierté que je remercie l'ensemble du personnel de l'hôpital et des fondations Panzi et de la Fondation Denis Mukwege pour leur travail acharné et leur engagement à mettre fin au viol comme arme de guerre en République démocratique du Congo et dans le monde entier, car la lutte contre le viol en temps de guerre doit trouver un écho mondial. Je remercie chaleureusement notre personnel qui a toujours réagi avec courage en traitant chaque victime avec compassion et dignité.

Et même si, ce mois-ci, nous nous souvenons des deux dernières décennies - et de leurs défis - nous envisageons l'avenir avec espoir. Dans les années à venir, nous continuerons à concrétiser notre vision : rester un centre d'excellence pour le traitement des victimes de violences sexuelles et la fourniture de soins de santé maternelle de qualité, tout en élargissant notre héritage. Pour ce faire, nous servirons de centre de formation mondial axé sur la fourniture de traitements médicaux aux victimes de violences sexuelles dans d'autres contextes de conflit. Nous continuerons à exiger que justice soit rendue aux victimes dans le monde entier en traçant une ligne rouge contre l'impunité. Nous continuerons à nous battre pour le Fonds mondial de réparation, que nous défendons depuis 2010 et qui sera officiellement lancé le 30 octobre 2019.

Enfin, nous ne cesserons jamais de fournir des soins aux survivants de la violence sexuelle, de partager notre vision d'un monde de solidarité et de donner à tous les survivants les moyens de devenir des agents du changement. Nous vous invitons à nous rejoindre, et vous appelons à l'action !

9 juillet 2019

Bukavu, République démocratique du Congo -Déclaration du Dr Mukwege sur la condamnation de Bosco Ntaganda : Nous saluons le verdict de culpabilité rendu hier par la Cour pénale internationale (CPI) contre Bosco Ntaganda.

Ce jugement rétablit la confiance dans la justice pénale internationale et est également une source d'espoir pour les victimes en Ituri et dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC).

Cette décision tant attendue nous montre que la communauté humanitaire a l'obligation morale et juridique de tracer une ligne rouge contre les criminels de guerre. Qu'il s'agisse de ceux qui prennent pour cible des civils, de ceux qui violent, de ceux qui éventrent des femmes enceintes ou de ceux qui utilisent des filles comme esclaves, tous les criminels de guerre doivent être poursuivis et jugés.

 Nous restons convaincus qu'il n'y aura ni paix durable ni réconciliation dans la région des Grands Lacs ou en RDC sans justice, vérité et réparations pour les survivants et les autres communautés affectées.

La décision de La Haye est un pas dans la bonne direction, mais nous ne devons pas oublier que les instigateurs de la violence dans cette région continuent à occuper des positions de pouvoir dans les institutions et au sein des forces de sécurité et de défense ; et par conséquent, ils continuent à perpétrer des crimes en toute impunité.

C'est pourquoi nous invitons la CPI à poursuivre les enquêtes en RDC afin de briser le cycle de la violence qui prévaut encore aujourd'hui en Ituri, dans les Kivus et ailleurs. Nous appelons également les Etats de la région des Grands Lacs à coopérer et à fournir une assistance juridique transparente à la CPI afin de traduire en justice les auteurs de crimes internationaux.

En cette période marquée par la tentation du repli derrière les frontières nationales, nous exhortons également la communauté internationale à intervenir lorsque les populations sont menacées ou prises en otage par les détenteurs du pouvoir. La souveraineté émane du peuple - elle ne peut pas être revendiquée par ceux qui ne peuvent pas protéger le peuple, ni garantir ses besoins fondamentaux, et surtout pas en menaçant la paix et la sécurité internationale. Enfin, nous exhortons les Etats parties au Statut de Rome à se mobiliser afin d'allouer les ressources nécessaires à la CPI pour remplir son mandat.

24 janvier 2019

Bukavu, République Démocratique du Congo - Déclaration du Dr. Mukwege sur la décision de la Cour Constitutionnelle concernant les élections présidentielles : M. Félix THISEKEDI a été proclamé vainqueur de l'élection présidentielle par la Cour Constitutionnelle. Présider aux destinées de notre pays est une lourde responsabilité.

Notre peuple, qui a tant souffert à cause d'un système qui l'a asservi pendant des décennies, attend beaucoup de ses nouveaux dirigeants afin d'améliorer sa vie et de tracer un avenir meilleur. Nous espérons qu'ils assumeront ce rôle avec gravité.

Nous appelons le peuple congolais et toutes les forces sociopolitiques de notre pays à faire preuve de patriotisme et à s'unir autour de l'idéal de la nécessité du changement pour reconstruire ensemble notre pays, restaurer la dignité de notre peuple et préserver la paix.

10 décembre 2018

Le Dr Denis Mukwege, lauréat du prix Nobel de la paix : Nous devons mettre fin à la violence sexuelle en tant qu'arme de guerre.

"Les gouvernements doivent tracer une ligne rouge. Agir est une question de volonté politique."

Oslo, Norvège - Dans son discours d'acceptation du prix Nobel de la paix 2018, le Dr Denis Mukwege, gynécologue de renommée mondiale, militant des droits de l'homme et fondateur de l'hôpital et de la fondation Panzi en République démocratique du Congo (RDC), a exhorté les dirigeants mondiaux et les citoyens à agir contre les violences sexuelles dans les guerres. "Les auteurs de violences ne sont pas les seuls responsables de leurs crimes, il y a aussi ceux qui choisissent de détourner le regard."

Le Dr Mukwege a reçu le prix Nobel de la paix 2018 avec Nadia Murad, une militante yézidie du nord de l'Irak, pour leurs efforts visant à mettre fin à l'utilisation du viol comme arme de guerre. Dans son discours, il a dédié cet honneur aux survivants de la violence sexuelle au Congo et dans le monde entier. Dr. Mukwege :

"Le prix Nobel de la paix qui nous est décerné aujourd'hui n'aura de valeur que s'il entraîne un changement concret dans la vie des victimes de violences sexuelles dans le monde entier et le rétablissement de la paix dans nos pays."

Reconnaissance, soutien et réparations pour les survivants de violences sexuelles

Il a partagé sa frustration face aux niveaux élevés de violence au Congo, qui visent de plus en plus les bébés et les enfants. Depuis l'ouverture de l'hôpital Panzi en 1999, le Dr Mukwege et son équipe ont soigné plus de 50 000 victimes de violences sexuelles au Congo en leur fournissant non seulement des soins médicaux, mais aussi un soutien psychologique, juridique et des moyens de subsistance.Le Dr Mukwege a déclaré que grâce à cette approche holistique, les victimes ont la possibilité de transformer leur souffrance en pouvoir : "Même si le chemin de la guérison est long et difficile... elles peuvent devenir des agents de changement positif dans la société."

 Il a également insisté sur la reconnaissance des victimes de violences sexuelles : "J'insiste sur les réparations : les mesures qui donnent aux survivants une compensation et une satisfaction et leur permettent de commencer une nouvelle vie. C'est un droit de l'homme. Le Dr Mukwege a plaidé pour la création d'un fonds international de réparation pour les victimes de violences sexuelles en temps de guerre.

La communauté internationale doit agir

Le Dr Mukwege a appelé les gouvernements à envoyer des signaux clairs contre l'utilisation du viol comme méthode de guerre. "La communauté internationale doit cesser d'accueillir des chefs d'État qui ont toléré ou - pire - utilisé la violence sexuelle pour accéder au pouvoir." Il implore la communauté internationale de refuser les visas aux auteurs de ces actes, de les sanctionner et de les traduire en justice devant des tribunaux internationaux. "Faire ce qu'il faut n'est pas difficile", a-t-il déclaré en s'adressant aux gouvernements du monde entier. "C'est une question de volonté politique".

Selon lui, les consommateurs ont également un rôle à jouer, car l'abondance de ressources naturelles comme l'or, le coltan, le cobalt et d'autres minéraux nécessaires à la production de produits électriques est une cause de la guerre en cours et de l'extrême violence dans l'est du Congo. "Lorsque vous conduisez votre voiture électrique ; lorsque vous utilisez votre smartphone ou admirez vos bijoux, prenez une minute pour réfléchir au coût humain de la fabrication de ces objets", a déclaré le Dr Mukwege. "Nous avons tous le pouvoir de changer le cours de l'histoire lorsque les convictions pour lesquelles nous nous battons sont justes."

 Appel à la paix au Congo

Le Dr Mukwege a lancé un vibrant appel à la paix dans son pays d'origine, la République démocratique du Congo, où plus de 6 millions de personnes ont été tuées au cours de deux décennies de guerre. S'adressant à ses concitoyens, il a déclaré : "Chers compatriotes congolais, ayons le courage de prendre notre destin en main. Construisons la paix, construisons l'avenir de notre pays, et ensemble, construisons un avenir meilleur pour l'Afrique. Personne d'autre ne le fera à notre place

Le Dr Mukwege a appelé la communauté internationale à suivre les recommandations formulées dans le rapport cartographique du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, qui "rassemble des moisissures dans un tiroir de bureau à New York". Le rapport de 2010 énumère les violations flagrantes des droits de l'homme et du droit humanitaire commises en RDC entre 1993 et 2003. Mukwege a expliqué que tant que les auteurs de ces violations resteront impunis et qu'il n'y aura pas d'efforts de recherche de la vérité et de réconciliation au Congo, une paix durable ne pourra être atteinte.

Dr. Mukwege : "Avec ce prix Nobel de la paix, j'appelle le monde à être témoin et je vous invite à nous rejoindre pour mettre fin à cette souffrance qui fait honte à notre humanité commune."

DR. DENIS MUKWEGE NOMMÉ LAURÉAT DU PRIX NOBEL DE LA PAIX 2018 AVEC NADIA MURAD

Déclaration du Dr. Denis Mukwege :

Mesdames et Messieurs, membres du comité du prix Nobel,

Mesdames et Messieurs, chers amis de la paix, amis de l'humanité,

C'est avec une grande humilité que j'ai appris cette nouvelle alors que j'étais en train de pratiquer une intervention chirurgicale dans mon hôpital.

En ce moment, mes pensées se tournent immédiatement vers toutes les survivantes de viols et de violences sexuelles dans les zones de conflit du monde entier.

Je suis honorée d'être nommée aux côtés de Nadia Murad, avec qui je partage ce combat depuis un certain temps. Nadia Murad est une personne pour laquelle j'ai beaucoup de respect car son courage et sa force pour dénoncer cette barbarie dans les conflits, qui
va bien au-delà de tout ce que l'on peut imaginer.

Chers membres du comité Nobel, vous avez entendu sa voix, vous avez entendu les voix de tous les survivants.

En effet, cet honneur est une source d'inspiration car il montre que le monde prête réellement attention à la tragédie du viol et de la violence sexuelle et que les femmes et les enfants qui souffrent depuis trop longtemps ne sont pas ignorés.

Ce prix Nobel reflète cette reconnaissance de la souffrance et du besoin de réparations justes pour les femmes victimes de viols et de violences sexuelles dans les pays du monde entier et sur tous les continents.

Il s'agit d'une étape importante vers les réparations tant attendues que nous devons tous à ces femmes.

Ce prix n'aura de véritable signification que s'il contribue à mobiliser les gens pour changer la situation des victimes dans les zones de conflit armé.

Je dédie ce prix Nobel aux femmes de tous les pays du monde, victimes de conflits et confrontées chaque jour à la violence.

Pendant près de 20 ans, j'ai été témoin de crimes de guerre commis contre des femmes, des jeunes filles et même des bébés, non seulement dans mon pays, la République démocratique du Congo, mais aussi dans de nombreux autres pays.

Aux survivants du monde entier, je voudrais vous dire qu'à travers ce prix, le monde vous écoute et refuse de rester indifférent. Le monde refuse de rester les bras croisés face à votre souffrance.

Nous espérons que le monde n'attendra pas plus longtemps pour agir avec détermination et force afin de vous aider car la survie de l'humanité dépend de vous.


"NOUS POUVONS CHANGER LA HAINE PAR L'AMOUR", PAR BILL GATES

Le 30 mai 2018 - Le Dr Denis Mukwege est le fondateur de l'hôpital Panzi en République démocratique du Congo, où lui et son personnel ont pris en charge plus de 50 000 survivants de violences sexuelles. Parmi elles, des femmes qui ont été violées devant leur famille et des filles brutalement agressées par des combattants pendant les deux décennies de guerre civile que connaît le pays. Certains de ses patients sont des nourrissons de moins d'un an qui ont été violés.

Pour quelqu'un qui a été témoin de tant de cruauté et de souffrance, on pourrait pardonner au Dr Mukwege de ne pas avoir une vision très optimiste de notre monde. Mais lorsque je l'ai rencontré à New York l'année dernière, j'ai été frappé non seulement par sa chaleur et sa gentillesse, mais aussi par son incroyable optimisme.

"Ce qui me permet de continuer, c'est vraiment la force des femmes. J'ai découvert comment les femmes sont fortes, comment les femmes peuvent reconstruire, et donner de l'espoir à notre humanité", m'a-t-il dit. "Elles m'ont beaucoup appris sur la façon dont nous pouvons rendre notre monde meilleur, en ne pensant pas seulement à soi mais à penser aux autres."

Enfant, dans l'est du Zaïre (aujourd'hui République démocratique du Congo), le Dr Mukwege était attiré par une vie au service des autres. Il accompagnait son père, un pasteur, lorsqu'il allait de maison en maison pour prier pour les malades de leur communauté. Tout en admirant la foi de son père, il voulait utiliser le pouvoir de la médecine pour aider à les guérir. À l'âge de 8 ans, il a décidé qu'il deviendrait médecin.

Il a fait des études de médecine en France où il s'est spécialisé en pédiatrie. Lorsqu'il s'est rendu compte du nombre de femmes qui mouraient en couches, notamment dans son pays, il s'est tourné vers l'obstétrique.

À son retour en Afrique, il a ouvert un centre de soins de maternité dans la ville de Bukavu, dans l'est du Congo. C'était la première clinique de ce type dans toute la région. Mais la première patiente qu'il a vue n'était pas venue parce qu'elle était enceinte. Elle avait été violée et abattue. Dans les mois qui ont suivi, des dizaines d'autres survivantes de viols se sont présentées à son hôpital. À la fin de l'année, le Dr Mukwege avait traité des centaines de survivantes et leur nombre ne cessait d'augmenter. Il a rapidement appris que les soldats utilisaient le viol pour intimider et déplacer des communautés entières, poussant les femmes et leurs familles à fuir.

"Lorsque le viol est utilisé comme arme de guerre, l'impact n'est pas seulement de détruire les femmes physiquement, mais aussi de détruire leur esprit... de détruire leur humanité", a-t-il déclaré. 

Au début, le docteur Mukwege s'est concentré sur le traitement des blessures physiques des femmes. Mais il s'est vite rendu compte que ce n'était pas suffisant. La plupart des femmes avaient été tellement traumatisées qu'elles ne pouvaient pas retourner chez elles et recommencer leur vie. Il a donc conçu une approche plus globale des soins, qui va au-delà de la guérison physique et se concentre sur le soutien psychologique et l'assistance socio-économique. Il a également lancé un programme juridique pour que les survivantes de violences sexuelles obtiennent justice.

En repensant aux milliers de patients qu'il a vus au fil des ans, le Dr Mukwege dit qu'un cas se détache pour lui. Il s'agit de la première patiente qu'il a traitée, il y a plus de vingt ans. Elle a subi six opérations chirurgicales et, au début, elle était incapable de marcher. Elle pensait que sa vie était ruinée, se souvient-il.

Mais elle a eu envie d'aider d'autres personnes ayant vécu ce qu'elle avait vécu. Elle s'est inscrite à l'école et a consacré sa vie à s'occuper d'autres victimes de violences sexuelles. Aujourd'hui, elle est l'une des plus anciennes employées de l'hôpital Panzi, où elle aide les patients à recoller les morceaux de leur vie. Grâce à ses efforts et à ceux du reste du personnel du docteur Mukwege à l'hôpital Panzi, des milliers de femmes ont pu reconstruire leur vie, certaines devenant même infirmières, médecins ou avocates.

"Le but est de transformer leur douleur en pouvoir", a déclaré le Dr Mukwege. "Nous pouvons changer la haine par l'amour".

DR. DENIS MUKWEGE NOMMÉ FINALISTE du PRIX AURORA 2017

Le 27 mai 2017 - L'Initiative humanitaire Aurora a désigné le Dr Denis Mukwege comme l'un des cinq finalistes du Prix Aurora 2017. Extrait du Prix Aurora : "Ils ont été choisis pour leur impact exceptionnel, leur courage et leur engagement à préserver la vie humaine et à faire avancer les causes humanitaires." Plus d'informations ici.

"Nous avons un consensus international contre l'utilisation des armes nucléaires et contre les armes chimiques et biologiques, ainsi que contre la torture. Depuis 1919, le droit international reconnaît que le viol comme arme de guerre doit cesser. Et pourtant, il continue d'être un outil de guerre efficace et bon marché. Les corps des femmes et des enfants deviennent des champs de bataille. En tant qu'êtres humains et gouvernements, nous devons dire que si vous gagnez une guerre en détruisant des femmes, la communauté internationale ne vous acceptera jamais comme dirigeant." 

DR. DENIS MUKWEGE PUBLIE LE MODÈLE PANZI DANS PLOS

Le 11 octobre 2016 -Un modèle de prise en charge holistique et centré sur la personne pour les victimes de violences sexuelles en République démocratique du Congo : Le modèle de soins du centre à guichet unique de l'hôpital Panzi.

DR. DENIS MUKWEGE FAIT PARTIE DE LA LISTE DES 100 PERSONNES LES PLUS INFLUENTES DU MONDE DU TIME 

Le 21 avril 2016 -TIME a nommé le fondateur de Panzi, le Dr Denis Mukwege, PhD, au TIME 100 de 2016, sa liste annuelle des 100 personnes les plus influentes du monde. 

Les filles et les femmes du Congo, et les survivants de la violence sexuelle et sexiste dans tous les coins du monde, ont un champion. Le Dr Denis Mukwege est un pionnier de la guérison médicale et psychosociale, intégrée à l'éducation et à la formation professionnelle, au logement de transition sûr, à l'assistance juridique et à la réintégration sociale, familiale et communautaire. 

Ses efforts inlassables en faveur de certaines des personnes les plus vulnérables au monde sont une source d'inspiration et inspirent notre travail avec nos collègues de l'hôpital Panzi et de la Fondation Panzi en RDC.

La liste complète du TIME 100 et les hommages correspondants figurent dans le numéro du 2 mai du magazine TIME, disponible en kiosque le vendredi 22 avril et dès maintenant sur time.com/time100. 

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