Kavumu : Déclaration du Dr. Denis Mukwege
La déclaration suivante est celle du Dr Denis Mukwege, fondateur et directeur médical de l'hôpital de Panzi. Le Dr Mukwege est le fondateur et le président de la Fondation Panzi RDC et de la Fondation Panzi USA. Sa déclaration sur le procès de Kavumu est fournie en anglais et en français.
(Bukavu, RDC) Par le Dr Denis Mukwege : "Hier, mercredi 13 décembre, les rideaux sont tombés sur le procès de Kavumu. Ce procès portait sur le viol systématique de 42 enfants, âgés de 18 mois à 10 ans. Un verdict exemplaire : douze condamnations ont été prononcées pour crimes contre l'humanité par viols et meurtres. Ces condamnations marquent-elles l'avènement de la victoire de la justice sur la culture de l'impunité en République démocratique du Congo ?
"Je félicite les parents des victimes et les survivants pour leur courage. Ils ont été constants et forts jusqu'à la fin du procès malgré les menaces et intimidations de toutes sortes. Ils ont su braver la peur, la honte et la stigmatisation pour faire valoir leurs droits. Je salue avec respect et beaucoup d'émotion ce grand vent de vérité qui souffle sur notre armée et démontre au monde qu'il est temps de parler pour ce qui est juste, quelle que soit la stature politique de l'accusé.
"Ce verdict donne de l'espoir à la multitude de victimes silencieuses et traumatisées qui n'osent pas se plaindre en raison de leur manque de confiance dans notre système judiciaire.
"Ce procès de Kavumu envoie un message fort aux dirigeants politiques à tous les niveaux qui utilisent et soutiennent les milices. Même si ces milices tuent et violent des civils, attaquent les forces armées congolaises et les forces de maintien de la paix des Nations Unies, commettent et perpétuent des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, le message reste clair : tôt ou tard, la justice prévaudra.
"J'exprime ma gratitude au personnel de l'hôpital de Panzi, à la Fondation Panzi et aux équipes de Physicians for Human Rights (PHR) et de TRIAL International. Je remercie également tous les experts en droit humanitaire et international ainsi que les experts psychologiques pour leur soutien aux victimes et leur détermination à mener à bien ce procès.
"Cette collaboration historique est un exemple d'humanisme, d'altruisme et d'efficacité ; un modèle de lutte contre l'impunité dans les zones de conflit. Elle mérite d'être félicitée et reproduite dans d'autres zones de conflit. Pour construire un monde meilleur, chacun doit donner le meilleur de lui-même, apporter ses compétences et son matériel pour renforcer le processus, comme l'ont fait les nombreux praticiens à Kavumu et pour Kavumu. C'est ce qu'ils ont fait avec professionnalisme.
"La question épineuse des réparations reste incertaine. La littérature médicale scientifique n'éclaire pas suffisamment les conséquences des viols de masse sur les bébés. Il n'y a pas beaucoup d'études rétrospectives sur les bébés laissés en vie dans le contexte d'un conflit où le viol est utilisé comme arme de guerre.
"Pour certains de ces enfants violés âgés de moins de vingt-quatre mois, il faudrait non seulement leur fournir des soins psychologiques et médicaux pendant au moins les 17 prochaines années, mais aussi une évaluation complète des conséquences de ces viols d'une extrême violence sur leur sexualité, leur fertilité et leur comportement. Cela ne peut se faire que lorsqu'elles atteignent l'âge adulte. Leur processus de guérison ne fait que commencer.
"J'encourage les équipes de suivi gynécologique, pédiatrique et psychosocial ainsi que les parents à couvrir ces enfants d'amour, de tendresse et de grâce afin que la victoire sur leurs agresseurs et bourreaux soit complète et que les séquelles soient les moins douloureuses possibles.
Il va sans dire que la protection des témoins, des parents et des divers acteurs qui ont pris en charge ces enfants dans le passé et dans l'avenir est essentielle.
"Avec plus de volonté politique, nous pouvons vaincre l'impunité, construire un monde plus sûr et un meilleur avenir pour nos enfants et les générations futures."
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Déclaration du Dr Mukwege sur le verdict du procès de viol des enfants à Kavumu/RD Congo.
Depuis hier mercredi 13 décembre, les rideaux sont tombés sur le procès de Kavumu. Un procès pour viol de 42 enfants de 18 mois à 10 ans. Le verdict a été exemplaire : douze condamnations pour crimes contre l'humanité ont été prononcées. Ces condamnations augurent-elles l'avènement de la victoire de la Justice sur la culture de l'impunité en République Démocratique du Congo ?
Je félicite les parents des victimes pour leur courage. Ils ont su tenir bon jusqu'à la fin du procès malgré les menaces et les intimidations de toutes sortes. Ils ont su braver la peur, la honte, la stigmatisation pour faire valoir leur droit. Je salue avec respect et grande émotion ce vent de vérité et de fermeté qui souffle sur notre justice militaire qui a su montrer à la face du monde qu'elle est capable de dire le droit et rien que le droit quelle que soit l'influence politique du prévenu.
Ce verdict donne l'espoir à la multitude des victimes silencieuses et traumatisées qui n'osent se plaindre faute de foi en notre justice.
Ce procès de Kavumu est un message fort adressé aux dirigeants politiques, à tous niveaux, qui entretiennent des milices. Des milices qui tuent et violent les civils, attaquent les forces armées congolaises et les forces des Nations Unies. Des milices qui commettent des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité judiciairement imprescriptibles. Le message envoyé est clair, tôt ou tard la justice vaincra.
J'exprime ma gratitude au staff de l'hôpital de Panzi, de la Fondation Panzi et à nos collaborateurs des organisations PHR et TRIAL. J'exprime ma reconnaissance aux experts en droit humanitaire et international ainsi qu'aux experts psychologues pour leur soutien aux victimes et la détermination à faire aboutir ce procès.
Cette collaboration qui fera date, est un exemple d'humanisme, d'altruisme et d'efficacité ; un modèle de lutte contre l'impunité dans les zones de conflit. Elle mérite d'être félicitée et répliquée dans d'autres zones de conflit. Pour faire un monde meilleur, chacun devrait apporter le meilleur de lui-même, sa pierre à l'édifice, c'est ce qu'ils ont su faire avec professionnalisme.
Il reste en suspens, l'épineuse question de réparations. La littérature scientifique ne nous éclaire pas suffisamment sur les conséquences des viols de masse chez les bébés. Il n'y a pas beaucoup d'études rétrospectives portant sur des bébés laissés en vie dans le contexte de conflits où le viol est utilisé comme arme de guerre.
Pour certaines de ces enfants violées en dessous de l'âge de vingt-quatre mois, il faudrait non seulement leur assurer un suivi psychologique et médical pendant au moins les 17 ans à venir, mais aussi une évaluation complète des conséquences de ces viols avec extrême violence, sur leur sexualité, leur fertilité et leur comportement. Cela ne pourra se faire que lorsqu'elles atteindront leur majorité. Le processus de leur guérison ne fait donc que commencer.
J'encourage les équipes de suivi gynécologique, pédo-psychologique, psychosocial ainsi que les parents à accompagner ces enfants avec amour, tendresse et grâce afin que la victoire sur leurs bourreaux soit totale et avec le moins des séquelles possibles.
Il va sans dire que la protection des témoins, des parents et des différents acteurs de la prise en charge passée et future de ces enfants est indispensable.
Avec davantage de volonté politique nous pouvons vaincre l'impunité, bâtir un monde plus sûr et un meilleur avenir pour nos enfants et les générations futures.
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