15 décembre 2024 — L’échec du sommet tripartite dans le cadre du processus de Luanda illustre l’impasse politique et diplomatique dans laquelle se trouve ce processus, malgré la bonne volonté du Président de l’Angola Lourenço.
Cette impasse des processus de Luanda et de Nairobi remet à jour l’impératif de redynamiser l’Accord-Cadre d’Addis Abeba pour la paix, la sécurité et la coopération, signé en 2013.
Cet accord était le premier visant à « s’atteler aux causes profondes du conflit et à mettre fin aux cycles de violence récurrents » à l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) et dans la région des Grands Lacs africains, avec divers États et institutions comme co-garants, y compris l’Union Européenne, la Belgique, les Etats-Unis d’Amérique, la France et le Royaume-Uni et le soutien notamment des Nations Unies, de l’Union Africaine et de la Banque Mondiale, dans le cadre de la consolidation d’une stratégie pour la paix et le développement.
Cet accord de paix, qui constitue la dernière initiative sérieuse ayant comme objectif à mettre fin au conflit le plus meurtrier depuis la 2e guerre mondiale, vise à neutraliser et à démobiliser les groupes armés, nationaux et étrangers, et à réaffirmer les principes de base du droit international avec divers engagements de la RDC, des États voisins et de la communauté internationale.
Les promesses portées par l’Accord-Cadre sont loin d’être réalisées à ce jour et, dans le contexte de l’échec des initiatives politiques et diplomatiques actuelles, il nous semble crucial de les remettre à l’agenda international pour enclencher une désescalade face aux tensions régionales, faire taire les armes à l’Est du Congo et relancer une dynamique de paix dans la région.
Comme l’avait souligné le Pape François lors de son dernier séjour à Kinshasa: « Nous ne pouvons pas nous habituer au sang qui coule dans ce pays, depuis des décennies désormais en RDC, faisant des millions de morts à l’insu de beaucoup ». Il est en effet plus que temps de sortir la tragédie congolaise de l’indifférence et de la négligence. Pour ce faire, il faudra revitaliser d’urgence l’Accord-Cadre avec la mobilisation des pays et des institutions « co-garantes ».
La stabilité au cœur de l’Afrique est essentielle pour la paix et la sécurité internationales, mais aussi pour l’économie mondiale et la transition énergétique. Ainsi, la diplomatie internationale et les acteurs économiques et du secteur privé doivent mobiliser tous les leviers à leur disposition pour contribuer à mettre un terme aux agressions récidivistes des pays à la base de la déstabilisation de la RDC en utilisant le recours à un régime de sanctions et de conditionnalité de l’aide.
Le temps n’est plus à des condamnations creuses et à des paroles vides. La RDC et ses partenaires tant publics que privés doivent s’attaquer aux principales causes structurelles qui constituent les éléments moteurs des conflits qui persistent à l’Est du pays, à savoir l’exploitation et le commerce illégal des ressources naturelles et la culture de l’impunité.
Il faut impérativement que les Etats-Unis d’Amérique, l’UE, la France, le Royaume-Uni et d’autres partenaires adoptent des sanctions politiques et économiques, et suspendent leur assistance militaire au Rwanda tant qu’il soutiendra le M23 et agressera la RDC, et tant que les États de régions ne respecteront pas de bonne foi les engagements pris au titre de l’Accord-Cadre.
C’est le seul langage qui entrainera des effets concrets à savoir mettre fin à la souffrance des millions de Congolais en errance à l’Est du Congo due à l’ingérence rwandaise à l’Est du Congo.
Denis Mukwege
Prix Nobel de la Paix 2018