Statement: Dr. Mukwege on Beni Massacres

Statement from Dr Denis Mukwege – 17 May 2016
After Beni Massacres, “peace cannot be achieved at the expense of justice.”

(Bukavu, DRC) Since early May, more than 50 people have been brutally massacred in Beni, in North Kivu Province, in eastern Democratic Republic of Congo. Since October 2014, the death toll in Beni has risen to more than 600. Photographs of these atrocities of masses are unbearable: pregnant women disemboweled, mutilated infants, human beings trussed up and their throats slit with a knife.

From the bottom of my heart, I extend my heartfelt and deepest condolences to all the families affected by this despicable barbarity, and also to all my countrymen and to all friends of the Congo who know victims of the atrocities committed in Beni, Lubero, Rutshuru, and elsewhere.

Our hearts are profoundly affected by the injuries related to the armed conflicts in the region; the crimes and barbaric atrocities occurring in the Eastern DRC for 20 years appear to be resurgent. The population feels abandoned and left to fend for themselves.

The blood of our Congolese sisters and brothers must stop flowing into the streets. Nothing can justify such cruelties, these are men and women and children, and their deaths are not simple news items. Their lives matter. 

More than 2000 kilometers from Beni, our leaders are creating a political empasse, through a false battle around the interpretation of our constitution. The apparent objective is the perpetuation of chaos in order to preserve the privileges of certain people close to those in power. Meanwhile in Beni, evil continues striking our villages leaving behind terror, chaos, blood, and houses aflame.

The Congolese are frustrated, hurt and humiliated. They are demanding more accountability and efficiency on the part of those who govern them. They are mobilizing to achieve the long-awaited, and promised, change.

Delaying tactics and an apparent intent to thwart elections occurring within the timeframe set forth in the constitution, creating a ‘glissement’ or ‘slippage.’ This is extremely dangerous and a violation of the 2277 resolution of the UN Security Council and the principles of the 2007 African Charter on Democracy, Elections and Governance. This glissement would only prolong the suffering of the Congolese people, to better secure and continue to exploit its resources without accountability.

The definitive solution to the problems plaguing the DRC requires holistic consideration of evil, and the awakening of the patriotic consciousness of the Congolese people. Then the overhaul of the State must establish and enforce laws that embrace human rights and governance oriented to the satisfaction, and in the best interest of all the people. In short, a radical change must occur. The Congolese people must be at the forefront of national sovereignty.

I appeal once again to the international community to implement its responsibility to protect civilians in the heart of the Great Lakes region, where truth and justice have been sacrificed on the altar of peace. We have waited too long, because until now we have neither peace nor justice.

As the massacres in eastern Congo illustrate, peace cannot be achieved at the expense of justice. I am reminded of the words Dr. Martin Luther King, Jr. wrote in 1963, that “justice too long delayed is justice denied.” Peace can only be achieved where civil and human rights, in concert with economic development and education, and justice, are recognized by our government and the international community. 


Communiqué de Presse du Dr Denis Mukwege – 17 mai 2016

En ce début de mois de mai, plus de 50 personnes ont été sauvagement massacrées dans le Territoire de Béni, dans la Province du Nord Kivu, à l’Est de la République Démocratique du Congo. Depuis octobre 2014, le bilan s’élève à plus de 600 morts ! Les images de ces atrocités de masses sont insupportables: des femmes enceintes éventrées, des bébés mutilés, des êtres humains ligotés et égorgés à l’arme blanche. 

Du fond de mon cœur, j’adresse mes condoléances les plus sincères et attristées à toutes les familles frappées par cette barbarie ignoble, et aussi à tous mes compatriotes et à tous les amis du Congo qui s’identifient aux victimes de Béni, de Lubero, de Rutshuru et d’ailleurs.

Nos cœurs sont profondément meurtris, et nos blessures liées aux conflits armés récurrents dans la région ; les crimes et barbaries qui sévissent dans l’Est de la RDC depuis 20 ans refont surface avec une nouvelle intensité. La population a le sentiment d’être abandonné et livré à elle-même. 

Le sang des Congolais doit cesser de couler. Rien ne saurait justifier de pareilles cruautés qui passent dans l’actualité comme de simples faits divers. Chaque vie compte.
Alors que nos gouvernants organisent une impasse politique et se livrent, à plus de 2000 km de Béni, à une fausse bataille d’interprétation de notre Constitution qui constitue en réalité une démarche bassement politicienne ayant pour objectif de perpétuer un chaos organisé visant la préservation des privilèges de quelques proches du pouvoir, le mal court, traverse nos villages laissant, derrière lui, terreur, chaos, sang et maisons en feu.

Les Congolais sont exaspérés, meurtris et humiliés.  Ils réclament plus de responsabilité et d’efficacité de la part de ceux qui les gouvernent. Ils se mobilisent pour parvenir au changement tant attendu.

Les manœuvres dilatoires ayant pour projet apparent d’hypothéquer l’organisation des élections dans les délais constitutionnels préparent un « glissement » extrêmement dangereux et une violation de la résolution 2277 du Conseil de Sécurité des Nations Unies et des principes de la Chartre Africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, qui entrainerait une prolongation des souffrances du peuple congolais, en vue de mieux l’assujettir et continuer à exploiter ses ressources sans redevabilité.

La solution définitive  de la RDC requiert une prise en compte holistique du mal congolais, qui passera d’abord par l’éveil de la conscience patriotique du peuple, ensuite par la refondation de l’Etat, et enfin par l’instauration d’un état de droit respectueux des droits humains et une gouvernance orientée vers la satisfaction de l’intérêt général : en bref, un changement radical de l’actuel système. Pour y arriver, l’acteur principal reste le peuple congolais qui doit s’assumer en tant que détenteur primaire de la souveraineté nationale.

J’en appelle, une fois encore, à la communauté internationale pour mettre en œuvre sa responsabilité de protéger les populations civiles au cœur de la région des Grands Lacs, où la vérité et la justice ont été sacrifiées sur l’autel de la paix que nous attendons depuis trop longtemps, car jusqu’à ce jour nous n’avons ni la paix, ni la justice. 

Ces derniers massacres commis à l’Est du Congo illustrent à suffisance, hélas, que la paix ne saurait s’obtenir au détriment de la justice.  Je me rappelle les mots écrits en 1963 par le Dr. Martin Luther King, Jr.: « Une justice trop tardive est un déni de justice ». La paix ne peut être atteinte que lorsque le respect des droits humains et des libertés fondamentales, allant de pair avec un développement économique et l’accès à l’éducation et à la justice pour tous, seront reconnus par notre gouvernement et la communauté internationale.

Dr. Denis Mukwege, PhD

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