Bukavu, République démocratique du Congo, décembre 2017
Lors d'un procès historique à Kavumu, douze membres de la milice Jeshi ya Yesu ont été condamnés à la prison à vie pour crimes contre l'humanité, notamment l'enlèvement et le viol massif d'enfants. Deux autres ont été condamnés à un an de prison et six ont été acquittés.
L'audience mobile* a reconnu que les opérations menées par la milice étaient coordonnées par Frédéric Batumike, chef de milice et député provincial du Sud-Kivu. Les pièces présentées au cours de la procédure, notamment les échanges téléphoniques, ont permis d'établir des preuves sans équivoque à l'encontre des prévenus.
Avant le procès, l'équipe juridique et la clinique mobile de Panzi ont effectué des trajets périlleux pour amener les enfants victimes à l'hôpital de Panzi et ont agi en dépit des menaces qu'ils ont reçues. Ils ont également enregistré des informations de première main, recueilli des preuves et documenté les incidents dans la mesure du possible.
Les enfants amenés à l'hôpital étaient immédiatement accompagnés par une Maman Cherie, qui les soutenait émotionnellement et psychologiquement. Les médecins ont procédé à un examen physique général, ont examiné et photographié les lésions physiques et ont effectué une évaluation psychologique. De nombreux enfants, qui ont été amenés à l'hôpital de Panzi dans les 72 heures, ont reçu un kit de prévention du VIH et des IST à leur arrivée.
"Quand vous recevez deux fois par semaine dans votre hôpital des enfants de moins de 5 ans avec des destructions indescriptibles du périnée suite à un viol, cela pose question. Après une douzaine de victimes, j'ai commencé à m'inquiéter. C'est la première fois que je voyais des bébés avec de telles lésions. J'ai alors essayé d'alerter l'opinion nationale et internationale. Il a fallu beaucoup de temps pour que les organisateurs présumés de cet acte soient arrêtés".
Dr. Denis Mukwege
Ce jugement constitue une victoire historique dans la lutte contre l'impunité des crimes de violence sexuelle en RDC. Il s'agissait du premier procès à inclure des preuves scientifiques et il a été caractérisé par une large coopération entre la société civile, les ONG, les acteurs locaux et nationaux.
L'inculpation de Batumike, membre du Parlement au moment du procès, a créé un précédent historique pour la poursuite d'individus en position de pouvoir, qui bénéficient généralement d'une impunité généralisée, et perpétue l'espoir des victimes et de leurs familles qui attendent toujours que justice soit faite.
*Les tribunaux itinérants sont des procédures qui se déroulent dans les communautés où les atrocités ont été commises. Les tribunaux itinérants sont généralement parrainés par des ONG.