Programme des jeunes ambassadeurs : Un regard de l’intérieur

Rédigé par: Rosine Sanginga

Le programme des jeunes ambassadeurs de Panzi (PJA) est une opportunité pour les étudiant.e.s, les jeunes professionnel.e.s et les défenseur.e.s des droits humains émergent.e.s d’en savoir plus sur les violences sexuelles liées aux conflits (CRSV) et sur le travail de Panzi. Les deux des principales composantes du programme sont d’apprendre à être lutter efficacement contre les violences sexuelles liées aux conflits en RDC et dans le monde entier et d’apprendre à créer et à exécuter des collectes de fonds réussies.

Rosine, une ambassadrice de notre première cohorte, détaille ici son expérience et donne quelques conseils utiles à ceux qui envisagent de participer au programme.

Plaidoyer et “Allyship”

J’ai participé au programme des jeunes ambassadeurs avec une question qui n’était pas si simple. Une question qui m’a poussée à chercher des réponses en dehors des étiquettes discursives qui épinglent l’est de la RDC comme la “capitale mondiale du viol, déchirée par la guerre”. C’est ainsi que je me suis retrouvée à réfléchir à plusieurs reprises à la manière dont nous pouvons commencer à parler des économies complexes de la violence sexuelle et du déplacement dans certaines régions de l’Est du Congo sans reproduire la violence même qui y règne.

Maintenant que nous sommes arrivés à la fin du programme, je constate que mon interrogation a reçu plusieurs réponses. Entendre de première main les expériences vécues par certain.e.s survivant.e.s congolais.e.s a enrichi de manière poignante ma compréhension de la violence, du maintien de la paix, de la réhabilitation, de la guérison holistique, de la dépossession, de l’exploitation minière artisanale et d’autres notions similaires (la liste est sans fin). Le PJA nous a en effet donné le vocabulaire nécessaire pour exprimer les maux de la violence sexuelle et basée sur le genre d’une manière qui n’étouffe ni n’efface les voix des survivants.

Comme beaucoup de mes collègues ambassadeurs, j’ai appris qu’il n’existe pas de remède ou de solution unique aux violences sexuelles et basées sur le genre et à leurs répercussions. D’un certain point de vue, il peut sembler approprié de donner la priorité à certains mécanismes de justice transitionnelle plutôt qu’à d’autres, par exemple. Cependant, tout au long de nos sessions, nos orateurs invités ont tous insisté sur le fait qu’il est essentiel de veiller à ce que les notions de justice que nous mettons en avant correspondent avant tout aux besoins des survivantes. Nous avons constaté que pour beaucoup de celles avec qui nous avons eu le privilège de parler, les réparations monétaires ne suffisent pas. En d’autres termes, aucune somme d’argent ne peut effacer la douleur et la souffrance endurées. Pour d’autres, le fait de se concentrer sur des pratiques créatives telles que le perlage ouvre d’autres possibilités qui transcendent les aspects juridiques de la réintégration. Le PJA nous a donc servi de plateforme pour entamer une conversation avec les communautés en question sur le plan éthique. En tant que tel, il ne nous a pas fallu longtemps pour comprendre que la violence sexuelle et basée sur le genre n’est pas linéaire. Vous êtes-vous déjà arrêtés pour penser que la violence ne s’arrête pas nécessairement à la fin d’un conflit donné ? Lors de l’une de nos sessions, notre invitée (une survivante) a expliqué que la stigmatisation des femmes/filles violées et des enfants nés d’un viol perpétue subtilement une nouvelle couche de violence, même dans les situations d’après-conflit. L’absence de conflit ne doit donc pas masquer les actes de violence quotidiens.

Notre plaidoyer s’est appuyé sur les pratiques quotidiennes, l’activisme et les discours des survivant.e.s et des travailleurs communautaires qui s’opposent quotidiennement la discrimination basée sur le genre dont font l’objet certaines femmes congolaises (de l’Est).

Plus on est de fous, plus on rit

“Plus on est de fous, plus on rit” est très vite devenue la phrase fétiche de ceux d’entre nous qui organisent en coulisses des collectes de fonds et des webinaires. Mais plus qu’une simple phrase, elle est devenue un engagement et une stratégie. À chaque événement organisé par les jeunes ambassadeurs, nous voulions impliquer de plus en plus de personnes de tous horizons. Bien que nous soyons issus de milieux culturels, éducatifs et professionnels différents, le PJA de Panzi nous a réunis autour d’intérêts communs.

Chaque fois qu’il s’agissait de contacter des conférencier.e.s, des donateurs potentiels et des proches, nous cherchions à rassembler une mosaïque de survivantes congolaises de violences sexuelles liées au conflit, de juristes, d’expert.e.s en soins holistiques, de psychologues, de médecins, d’organisations partenaires, d’étudiant.e.s et de pairs, parmi tant d’autres. Les discussions que ce mélange a suscitées ont débouchées sur des sources d’espoir et de plaidoyer.

Dans l’ensemble…

Je dirais que les principaux enseignements que j’ai tirés de ce programme sont les suivants …

  • Un.e allié.e (à quelque titre que ce soit) doit toujours s’assurer qu’il.elle ne parle pas à la place des personnes ou des communautés impliquées, ou qu’il.elle n’emploie pas un ton de sauveur lorsqu’il s’exprime au nom des personnes directement concernées.
  • Les connaissances des femmes congolaises qui ont été victimes de violences sexuelles sont valables, magnifiques et novatrices.

Quelques conseils à suivre et à ne pas suivre pour ceux qui souhaitent rejoindre la prochaine cohorte

À faire :

  • Prenez quelques minutes pour vous renseigner sur le travail de la Fondation Panzi. Vous serez surpris par le nombre de piliers et de programmes que Panzi propose ! Vous aurez ainsi une meilleure idée des domaines sur lesquels vous souhaitez vous concentrer en tant que nouvel ambassadeur. Le site web de Panzi, les films documentaires et les bulletins d’information mensuels vous seront d’une grande utilité.
  • Sortez des sentiers battus. Le programme accueille beaucoup de dynamisme et de créativité. Vos compétences uniques vous permettront sans doute d’atteindre un plus grand nombre de personnes. Comment pouvez-vous toucher au mieux les personnes qui n’ont que peu ou pas de connaissances sur les cycles de violence dans l’est de la RDC et au-delà ?
  • Soyez prêt à élargir votre réseau. Pour ma part, j’ai quitté le programme avec en prime quelques nouveaux amis.
  • N’hésitez pas à nous contacter. Beaucoup d’entre nous sont prêts à partager ce qu’ils ont retiré de ces derniers mois d’immersion dans le programme des jeunes ambassadeurs.

À ne pas faire :

  • N’hésitez pas à poser votre candidature, même si vous pensez ne pas être dans un domaine qui s’intègre parfaitement dans le puzzle Panzi. Au cours du PJA, j’ai eu l’occasion (a) d’apprendre des autres ambassadeurs et (b) de collaborer avec eux dans divers domaines de travail et d’étude. L’interdisciplinarité de Panzi – et du PJA par extension – permet un mélange magnifique d’expertise et d’intérêt – qu’il s’agisse de médecine ou de cinéma. Alors, posez votre candidature. Plus on est nombreux, plus on rit !

Rosine est originaire de Bukavu, en RDC, et suit actuellement un master en études de développement et en études de genre à la School of Oriental and African Studies (SOAS), à l’université de Londres. À l’avenir, Rosine espère contribuer au travail réalisé pour promouvoir le bien-être des femmes et leur pleine participation dans tous les domaines en Afrique subsaharienne. À propos de son expérience au sein du PAJ, Rosine a déclaré :

Rosine Sanginga headshot

“Le PJA a particulièrement mis en lumière les différentes manières de mobiliser les fils, les filles et les amis de la RDC. Je suis convaincue que les connaissances que j’ai acquises grâce à ce programme seront utiles à mon travail à l’avenir”.

Rosine Sanginga