Pour avancer sur le chemin d'une paix durable, nos dirigeants devraient retenir les erreurs du passé et rompre avec les politiques qui ont prolongé et aggravé la souffrance du peuple congolais et l'instabilité ayant occasionné des conséquences désastreuses sur la protection des civils.
Depuis Sun City en passant par Lusaka et Kampala, les accords de paix ont systématiquement bradé la justice sur l'autel d'une paix dont les dividendes ne sont jamais parvenus à l'Est du pays.
Ces différents accords politiques visant à mettre fin à la violence ont planté les graines de l'instabilité et de la culture de l'impunité en intégrant des éléments des groupes armés rebelles, congolais et étrangers, au sein des forces de sécurité et de défense de la République. En effet, les processus de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion sous-financés et bâclés ainsi que les politiques de " mixage " et de " brassage ", souvent accompagnées de promotions, ont intégré l'indiscipline au sein des institutions, et ce jusqu'au plus haut niveau de l'Etat.
En gratifiant ainsi des criminels au lieu de les traduire en justice, cette stratégie de tireurs de ficelles tapis à Kinshasa, Kigali, Kampala et Bujumbura encourage les groupes armés en brousses à attendre leur tour.
Cette situation favorise l'émergence d'un système légitimant la violence et la commission de crimes comme mode d'accès au pouvoir. Elle entretient une spirale infernale de violences sans fin et hypothèque l'instauration d'une paix durable.
C'est dans ce contexte que nous exprimons notre circonspection face à la récente nomination par ordonnance présidentielle d'un ancien chef rebelle du RCD-Goma, du M-23 et de l'ALEC, comme Coordinateur du Programme de Désarmement, Démobilisation, Relèvement Communautaire et Stabilisation.
Alors que le Chef de l'Etat s'est engagé à placer la justice transitionnelle à l'agenda du gouvernement " pour bâtir le chemin de la réconciliation nationale et de la paix ", nous plaidons pour l'adoption d'une stratégie nationale holistique de justice transitionnelle qui
priorise des réformes institutionnelles visant à prévenir la non-répétition des atrocités commises sur les populations civiles, notamment par une réforme profonde des secteurs de la sécurité et de la justice.
Le lien le plus manifeste entre la justice transitionnelle et la réforme des institutions consiste en la mise en place de procédures d'assainissement (vetting) qui visent à l'identification et à la mise à l'écart des institutions publiques des personnes responsables de violations des droits humains et du droit international humanitaire ainsi qu'à la mise en place des mécanismes de vérification des antécédents en matière de droits humains de ceux qui aspirent à entrer dans les services publics.
Ainsi, dans le cadre de la genèse du processus de justice transitionnelle auquel aspire le peuple congolais, le gouvernement devrait entreprendre sans tarder des réformes institutionnelles pour garantir le respect de l'état de droit, favoriser une culture des droits humains et rétablir la confiance dans les institutions.
La Nation congolaise regorge de femmes et d'hommes intègres sans antécédent de violations graves des droits humains, et s'il existe une réelle volonté politique d'éradiquer les groupes armés, de stabiliser l'Est du pays, d'assurer le relèvement des communautés affectées par les exactions des milices qui sévissent dans notre pays depuis 25 ans et d'instaurer une paix durable ; le temps est venu d'exploiter pleinement les potentialités de ce capital humain épris de paix et de justice et de rompre avec les politiques visant à accorder des promotions à ceux qui devraient répondre de leurs actes devant la justice.